27 07 2010 - Energie éolienne

Publié le par Nominoe

 

Energie éolienne : la leçon danoise

 

LEMONDE | 27.07.10 | 14h01

 

 

Envoyé spécial à Esbjerg (Danemark)

 

 

 

Le parc Horns Rev 1, au large du port d'Esbjerg sur la mer du Nord, dépoie 80 éoliennes d'une puissance de 160 MW.
AFP/JORGEN TRUE
Le parc Horns Rev 1, au large du port d'Esbjerg sur la mer du Nord, dépoie 80 éoliennes d'une puissance de 160 MW.
 
 
 
A 30 km de la côte ouest du Danemark, au large du port d'Esbjerg, les 91 turbines du parc éolien de Horns Rev 2 tournent jour et nuit, qu'il fasse beau ou qu'il pleuve. Au total, 209 MW sont déployés depuis septembre 2009 sur près de 35 km2. Un peu plus près de la côte, le parc Horns Rev 1, mis en place en 2002, déploie 80 machines d'une puissance de 160 MW. Cet ensemble constitue actuellement le plus grand parc offshore au monde. Il est aussi le plus récent exemple de la politique du Danemark en matière de promotion des énergies renouvelables.

Alors qu'en France l'adoption tumultueuse de la loi Grenelle 2 a ouvert une période d'incertitude pour l'éolien, les Danois affichent les résultats flatteurs d'un développement construit, depuis une trentaine d'années, sur un mélange de volonté politique, de simplification administrative et de coopération avec les populations locales.

 

Plus de 22 % de l'électricité produite au Danemark provient de l'éolien, terrestre ou marin, contre environ 1,5 % en France. Pour en arriver là, les Danois ont joué sur plusieurs leviers. Tout d'abord, cette énergie est ici un peu plus "l'affaire de tous" que dans d'autres pays. "Le mouvement pour les éoliennes est parti du terrain", explique Ann Pedersen Bouisset, du ministère des affaires étrangères, "les premières petites éoliennes ont été installées par des coopératives issues de communautés ou de municipalités".

 

L'IMPLICATION DE LA POPULATION

 

Cette démarche participative est toujours présente dans l'accord de politique énergétique, élaboré en février 2008 par le gouvernement et le Parlement afin de tracer la stratégie énergétique du pays. Le texte permet aux citoyens de prendre des participations dans les projets de parcs éoliens proches de chez eux. Et un fonds aide les associations de propriétaires locaux de turbines à financer les études préliminaires sur les projets d'implantation.

 

Cette méthode a facilité l'acceptabilité sociale de l'éolien en garantissant aux populations qu'elles auraient voix au chapitre. Ainsi 90 % des Danois citent en priorité l'éolien pour le développement des énergies renouvelables, selon un récent sondage.

 

Pour les parcs Horns Rev 1 et 2, le dialogue avec les pêcheurs s'est aussi fait en amont. Les pêcheurs d'Esbjerg ne se sont pas opposés au projet, convaincus qu'il valait mieux l'influencer plutôt que de tenter – probablement en vain – de le bloquer. Ils ont réussi à faire déplacer le schéma d'implantation initial pour mieux respecter les zones de pêche, et 1 million d'euros de dédommagement leur a été versé.

 

UNE ADMINISTRATION RATIONNALISÉE

 

La simplification maximale du processus d'instruction des projets est une autre clé de la réussite danoise. Un guichet unique, rassemblant les différents ministères concernés et Energinet, le gestionnaire de transport d'électricité, a été mis en place au sein de la Danish Energy Authority. Il gère la sélection des régions, où seront développées les capacités de production, coordonne toutes les études, y compris l'audit environnemental, puis procède à des appels d'offres. Energinet a l'obligation de connecter tout projet autorisé dès son installation et de payer une pénalité si cela n'est pas fait lorsque la production d'électricité commence.

 

L'éolien a un réel impact sur l'industrie danoise et sur l'emploi. En 2010, les ventes de technologie éolienne devraient représenter plus de 10 % des exportations. Grâce, notamment, aux projets Horns Rev 1 et 2, qui ont pris le relais de l'activité pétrolière offshore, le port d'Esbjerg s'est imposé comme "la première plate-forme logistique du pays pour les équipements offshore", souligne John Snedker, un des élus de la ville.

 

Depuis ses quais, le Danois Vestas livre des dizaines de turbines à travers le monde, tandis que l'allemand Siemens expédie actuellement des éoliennes fabriquées au Danemark et destinées à être installées au large de l'Angleterre.

 

Quand la France fait ses premiers pas, le Danemark songe déjà au renouvellement d'un parc vieillissant. Un programme de modernisation soutenu par des primes gouvernementales a été lancé. De leur côté, les industriels danois voient l'avenir dans des parcs toujours plus grands et des machines plus puissantes.

 
 
Bertrand d'Armagnac
 

 
 En Bretagne, l'"éolien participatif" tente de se frayer un chemin
 
LEMONDE | 27.07.10 | 13h59
  
 
Une des clés du succès de l'éolien au Danemark et en Allemagne tient à la possibilité pour les habitants de s'impliquer financièrement dans son développement. Convaincus que c'est aussi la voie qu'il faudrait suivre en France, des groupes écologistes tentent de s'inspirer de ce modèle.

 

Créée en 2003, l'association bretonne, Eoliennes en pays de Vilaine, a été la première à promouvoir "l'éolien citoyen". "L'énergie éolienne est une énergie décentralisée, explique Michel Leclercq, son président, un ancien professeur d'arts plastiques. Il faut permettre aux collectivités et aux riverains d'en prendre la maîtrise. En gérant des projets, les gens s'aperçoivent que produire de l'électricité coûte cher, et il est ensuite plus facile de faire passer le message sur la nécessité des économies d'énergie."

 

L'association a mené des études pour identifier des sites adéquats autour de Redon (Ille-et-Vilaine). Leur coût de 300 000 euros a été supporté par certains de ses membres, des groupes de finance solidaire Cigales, et le conseil général de Loire-Atlantique. Deux sites ont été retenus et des permis de construire ont été déposés en 2008, à Béganne (Morbihan) et à Guenrouët (Loire-Atlantique). L'autorisation d'installer quatre éoliennes de deux mégawatts à Béganne a été obtenue en juillet 2009. Reste à boucler le montage financier de l'investissement, qui s'élève à 12 millions d'euros.

 

Il manque un soutien clair

 

Une grande partie sera financée par emprunt bancaire. L'apport en fonds propres sera assuré par un appel public à l'épargne des particuliers qui devra, au préalable, être autorisé par l'Autorité des marchés financiers. Les collectivités locales (conseil régional, communauté de communes) et la Caisse des dépôts et consignations seront aussi sollicitées. "C'est un long parcours, indique Pierre Cordier, salarié de l'association. Il faut être des gens persévérants, mais l'engagement collectif permet de ne pas baisser les bras devant les difficultés."

 

Si tout va bien, Béganne inaugurera en 2011 ou 2012 le premier parc éolien "citoyen" de France. Les bénéfices devraient financer des actions d'économie d'énergie. L'initiative suscite déjà des émules, dans les Ardennes, sur le Larzac ou dans la Vienne. Il manque cependant un soutien clair de la loi et des autorités à cette approche collaborative. Des élus alsaciens ont tenté de la faire reconnaître. "Les économies d'énergie sont un des grands secteurs créateurs d'emplois pour l'artisanat local. Les revenus des éoliennes pourraient permettre de stimuler cette filière", explique Jean Vogel, maire de Saales (Bas-Rhin), qui plaide avec d'autres élus pour que leur soit donnée la possibilité de créer des sociétés d'économie mixte qui investiraient dans les parcs éoliens. Au printemps, ils avaient convaincu le député Antoine Herth (UMP) de déposer des amendements en ce sens lors de la discussion de la loi Grenelle 2.

 

Mais ces propositions n'ont pas été discutées, le rapporteur du texte de loi, Serge Poignant, et le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, Patrick Ollier, ayant estimé, selon M. Herth, "qu'elles impliquaient de trop lourdes obligations pour les porteurs de projet".

 
 
Hervé Kempf
 
 
 
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