C'est à plusieurs heures de sentiers sinueux de Bogota, à plus de 3 000 mètres d'altitude, que l'écologue colombienne Mercedes Medina a découvert la nouvelle maladie, en mars 2009. Là, au coeur du paramo, rare écosystème andin, des insectes ravagent les épaisses feuilles argentées des espeletias, tuant en six mois cet arbuste centenaire. En moins d'un an, la superficie affectée s'est multipliée par cinq, alerte la chercheuse. Conséquence : «
L'eau de la capitale est en jeu. »
Grâce aux espeletias, les paramos capturent l'eau des nuages et régulent les sources de nombreuses rivières. Leur archipel de 30 000 à 40 000 hectares, dispersé du Venezuela au nord du Pérou, sert de château d'eau naturel à des régions entières.
Mais l'édifice s'effrite. Depuis des décennies, les agriculteurs brûlent et défrichent les paramos. En Équateur, près des deux tiers de la superficie originelle serait affectée.
Cette année, une sécheresse exceptionnelle est venue dévoiler la fragilité des « fabriques d'eau » en Colombie. Des incendies ont dévoré des centaines d'hectares dans la région de Cali. Et les habitants de Duitama, au pied d'un de ces écosystèmes, doivent rationner leur eau.
Les autorités restent pourtant indolentes. Le ministre de l'Environnement déclare des zones protégées, mais son collègue de l'Agriculture encourage les cultures, et celui des Mines attribue des concessions en plein paramo.
Du coup, « 70 % des paramos pourraient disparaître en vingt ans, calcule Mercedes Medina. Et nos réserves d'eau, peut-être d'autant. »
Michel TAILLE.