21 07 2010 - Les Séniors ...

Publié le par Nominoe

 

Un rapport pointe le coût et l'injustice des niches fiscales consenties aux seniors

 

LEMONDE | 19.07.10

 

 

Alors que s'amorce la réflexion sur le financement de la dépendance, enjeu majeur des années à venir, le Conseil d'analyse stratégique (CAS) prône une remise à plat des différentes mesures fiscales et sociales dérogatoires dont bénéficient aujourd'hui les "seniors" - les plus de 65 ans.

Pour cet organisme de prospective, rattaché au premier ministre, il convient de "rationaliser" ces exonérations et allégements d'impôts afin "de rendre plus juste la fiscalité des seniors et de financer la dépendance, au moins en partie".



"La montée en charge progressive et attendue des dépenses de dépendance appelle à un redéploiement progressif et suffisamment anticipé d'une partie de ces dépenses" fiscales et sociales insiste le CAS dans une note intitulée "La fiscalité des seniors".

 

Cette note figure dans le rapport, "Vivre ensemble plus longtemps", remis le 6 juillet à la secrétaire d'Etat chargée de la prospective, Nathalie Kosciusko-Morizet. Le CAS y rappelle que les dépenses de prise en charge de la dépendance vont augmenter "d'ici à 2025 d'environ 10 milliards d'euros". Il précise que "les dispositions fiscales dérogatoires en faveur des seniors" représentent "un coût total supérieur à 11 milliards d'euros".

 

Le CAS s'est tout d'abord penché sur le niveau de vie des personnes âgées de plus de 65 ans. Il en est arrivé à la conclusion que celui-ci "est sensiblement le même que celui des moins de 65 ans". Sauf aux deux extrêmes de l'échelle des revenus : "les seniors les plus pauvres sont moins pauvres" que les plus pauvres des actifs et "les seniors les plus riches sont un peu plus riches" que les plus riches des classes actives, souligne l'étude.

 

L'organisme, qui note que le taux de pauvreté des seniors est d'environ 10 %, soit "2 à 3 points" de moins que celui de l'ensemble de la population, considère par ailleurs qu'avec l'allongement de la durée de vie et la revalorisation des retraites avec l'inflation, le "niveau de vie relatif de retraités par rapport aux actifs" pourrait connaître "une dégradation" dans les années qui viennent.

 

Répartir autrement l'impôt

 

Passant en revue les allégements et exonérations sur la CSG, la CRDS, l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation, la taxe foncière... dont bénéficient les seniors, ainsi que leur coût et leur efficacité, le CAS conclut que, si "certaines dispositions semblent particulièrement efficaces pour aider les personnes les plus en difficulté", "la redistribution intragénérationnelle" à laquelle ces dispositifs devraient contribuer n'est "pas efficace".

 

L'étude insiste sur le fait qu'"une proportion importante de ces dépenses fiscales profite" aux seniors les plus riches : en l'occurrence ceux "appartenant au cinquième de la population française la plus aisée".

 

A ce titre, sont notamment montrés du doigt le crédit d'impôt pour équipements pour les personnes âgées ou handicapées, la réduction d'impôt pour les dépenses d'accueil dans un établissement pour personnes dépendantes, ou encore l'abattement de 10 % sur les pensions de retraite intégré dans le calcul de l'impôt sur le revenu.

 

Pour le CAS, "nombre de ces dispositifs" contribuent "à renforcer les inégalités plutôt qu'à les réduire". C'est pourquoi il invite à un redéploiement. Précisant qu'il ne s'agit pas de proposer des économies en termes de dépenses fiscales, il invite plutôt à "rationaliser" ces dispositifs fiscaux dérogatoires et, surtout, à "répartir autrement et de manière plus juste, l'effort fiscal". L'organisme de prospective laisse aux pouvoirs publics le soin de décider ce qu'il faudrait faire.

 
 
Philippe Le Coeur
 

 
Une assurance obligatoire pour financer la dépendance
 
LEMONDE pour Le Monde.fr | 19.07.10
 
Lors de son entretien télévisé du 12 juillet, Nicolas Sarkozy a confirmé son intention, sitôt achevée la réforme des retraites, d’engager le dernier grand chantier de la législature : la prise en charge de la dépendance. C’était un des engagements majeurs du candidat Sarkozy à l’élection présidentielle de 2007 : "Créer un organisme dont le but sera de préparer notre pays au défi de la dépendance et veiller à ce que, sur tout le territoire, de manière égale, il existe des structures suffisantes pour prendre en charge les personnes en perte d’autonomie".

 

Sans cesse différée depuis, la création du "cinquième risque" restera à l’état d’ambition. De la prise en charge des personnes "en perte d’autonomie", les travaux préparatoires se sont progressivement circonscrits à la prise en charge des "personnes âgées dépendantes". Et au financement de celle-ci. Pour, finalement, opposer au principe de solidarité générale, reposant sur un financement public, un dispositif s’appuyant sur un système d’assurance.

 

C’est précisément la piste qu’explore le rapport de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, présenté par Valérie Rosso-Debord (UMP, Meurthe-et-Moselle), qui doit être transmis au premier ministre dans les tout prochains jours afin de "préfigurer" le futur projet de loi présenté avant la fin de l’année.

 

Figure montante de la majorité parlementaire, Mme Rosso-Debord – qui sera également l’oratrice principale de l’UMP dans le débat sur les retraites – bénéficie d’un appui total du président du groupe, Jean-François Copé, et des principaux responsables de la majorité. Les propositions qu’elle formule ont de fortes chances de nourrir la réflexion du gouvernement.

 

Assurance obligatoire. La proposition phare du rapport de Mme Rosso-Debord consiste à rendre obligatoire, dès 50 ans, la souscription d’une assurance contre la perte d’autonomie auprès d’un établissement labellisé (mutuelle, société de prévoyance ou société d’assurance). Le dispositif serait mutualisé : les différentes institutions participant à ce système d’assurance constitueraient un fonds de garantie alimenté par un pourcentage prélevé sur chaque cotisation. "Il s’agit d’un système mixte d’assurance garanti par la puissance publique", assure la députée. Ce système d’assurance dépendance a vocation à se substituer progressivement au régime actuel de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), créée en 2001.

 

L’APA s’adresse aux personnes âgées de plus de 60 ans, résidant à domicile ou en établissement. Gérée par les départements, elle est calculée en fonction des revenus des bénéficiaires et de leur degré de dépendance. En 2009, les dépenses d’APA ont atteint 5,1 milliards d’euros pour un peu plus de 1,1 million de bénéficiaires. Toutefois, la compensation de la perte d’autonomie reste très inégalement partagée et le montant de l’APA se révèle nettement insuffisant pour faire face aux besoins.

 

Récupération sur succession. Le rapport propose d’instituer pour les bénéficiaires de l’APA possédant un patrimoine de plus de 100 000 euros un droit d’option. Ils auraient le choix entre une allocation réduite de moitié mais n’autorisant pas un futur recours sur la succession ou une allocation à taux plein pouvant être récupérée sur la succession future jusqu’à hauteur de 20 000 euros.

 

Hausse de la CSG sur les pensions. Pour compléter le financement, le rapport suggère de revoir le taux de la contribution sociale généralisée (CSG) applicable aux pensions de retraite. Selon le montant de la pension, celle-ci peut être totalement exonérée de CSG ou soumise à un taux de 3,8 % ou de 6,6 %, contre 7,5 % pour les revenus d’activité. Le rapport se prononce pour "une meilleure progressivité jusqu’à un taux de 7,5 % pour les montants les plus élevés".

 

Il prévoit enfin de faire participer à la contribution solidarité autonomie (CSA) – la "journée de solidarité" – les catégories (artisans, professions libérales, agriculteurs, retraités) qui en sont exemptées. Le rapport insiste sur "le fait que le financement public est désormais incapable de procurer les futurs milliards de dépenses que coûtera dans un avenir proche la dépendance des personnes âgées".

 

Une dépense publique de 22 milliards par an. Les dépenses publiques engagées au titre de la dépendance des personnes âgées atteignent aujourd’hui près de 22 milliards d’euros (1,1 % du produit intérieur brut) dont 13,4 milliards fournis par la Sécurité sociale, 4,9 milliards par les départements, 2,9 milliards par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). S’y ajoutent les exonérations fiscales et sociales, pour 2,1 milliards d’euros.

 

Déjà 5 millions d’assurés pour la dépendance. Le nombre de Français ayant souscrit une assurance dépendance augmente chaque année. Il représente près de 5 millions de personnes. Selon les sociétés d’assurances, 15 % d’une génération atteignant l’âge de 65 ans deviendront dépendants et 60 % d’une génération atteignant 90 ans. Sur cette base, elles proposent des contrats offrant une rente mensuelle moyenne de 1000 euros par mois avec des cotisations mensuelles à 30 euros pour une personne souscrivant une assurance à partir de 60 ans et à 21 euros à partir de 40 ans.

 

"La promesse de la création d’un cinquième risque est en fait remplacée, trois ans après l’élection présidentielle, par un recours à l’assurance privée. C’est inacceptable", déplore Danièle Hoffman-Rispal (PS, Paris), également membre de la mission parlementaire. Les députés du PS ont refusé d’approuver le rapport.

 
 
Patrick Roger
 

 

"Il faut repenser l'équité intergénérationnelle"

 

LEMONDE | 19.07.10

 

 

Olivier Ferrand préside la Fondation Terra Nova, think tank progressiste, qui remettra, en septembre, un rapport sur la dépendance. Il avait défendu, au nom de l'équité intergénérationnelle, l'alignement de la fiscalité des retraités aisés sur celle des actifs.
 
Que pensez-vous des propositions de la majorité sur la dépendance ?

 

Nicolas Sarkozy avait annoncé, en 2007, la constitution d'un cinquième risque. Mais la droite semble faire machine arrière. Le rapport Rosso-Debord propose de limiter la couverture publique à la dépendance lourde, ce serait un recul. Il suggère aussi le recours sur succession : cela revient à supprimer le financement public et à transformer l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) en avance sur succession.

C'est une reprivatisation choquante : les personnes âgées dépendantes sont non seulement malades mais en plus elles vont payer, c'est la double peine. On détricote l'APA au lieu de l'universaliser. Or c'est une question d'éthique de civilisation que d'assurer la couverture des dernières années de vie de tous nos aînés dans des conditions dignes et heureuses.

 

Que pensez-vous du recours obligatoire à l'assurance privée ?

 

L'objectif est comptable : une assurance obligatoire sans afficher de hausse des prélèvements obligatoires. Ce serait une mauvaise solution. La dépendance est un risque difficilement assurable car difficile à mesurer. Il serait probablement assorti de clauses léonines. Les primes seraient forfaitaires donc régressives en termes de revenu contrairement aux impôts dans le cadre d'un financement public. Ce serait injuste.

 

Les retraités doivent-ils être mis à contribution à travers la CSG, comme le propose le rapport ?

 

Oui : la dépendance est un risque pesant sur leur propre fin de vie, ce serait logique qu'ils contribuent collectivement à son financement, via l'impôt. Ce serait une solidarité entre retraités bien portants et dépendants.

Les retraités bénéficient en outre d'une fiscalité dérogatoire. C'était légitime quand ils étaient plus pauvres que les actifs. Ce n'est globalement plus le cas. L'alignement de la fiscalité des retraités les plus aisés sur celle des actifs rapporterait 5 milliards d'euros par an, c'est ce que l'on cherche pour financer le risque dépendance.

 

Terra Nova a proposé que cet alignement serve aux retraites. Il ne peut pas servir deux fois...

 

Certes, mais il ne vous a pas échappé que cela n'a pas été retenu ! Cet alignement s'impose. Il faut repenser l'équité intergénérationnelle. Est-il juste qu'Antoine Zacharias, ex-PDG de Vinci et titulaire d'une retraite chapeau de 2,5 millions d'euros par an, paie une CSG minorée (6,6 %), inférieure à celle du salarié au smic (7,5 %) ?
 

Par quoi passe l'équité intergénérationnelle ?

 

Par des politiques publiques cessant de discriminer systématiquement les jeunes générations. Avec la déclaration par foyer fiscal, la fiscalité organise un transfert massif de 24 milliards d'euros par an des célibataires, des jeunes pour la plupart, vers les couples mariés, et même de 37 milliards en tenant compte des familles et des enfants.

Regardez les minima sociaux ! Le minimum vieillesse est de 708 euros, contre 460 euros pour les actifs (RSA) et... zéro pour les actifs de moins de 25 ans. C'est une situation unique en Europe. On pourrait multiplier les exemples : l'effort pour les retraites va augmenter de deux points de produit intérieur brut (PIB), celui en faveur de l'éducation a été ramené de 7,6 à 6,5 % du PIB. Les jeunes sont les premières victimes du chômage et de la précarité. Les écarts salariaux intergénérationnels ont triplé depuis 1980. Le taux de pauvreté des moins de 30 ans est de 20 %. Notre société fait peser l'ajustement de la crise, depuis trente ans, sur les jeunes générations. Il faut arrêter le massacre, leur redonner, et nous redonner, un avenir.

 
 
Propos recueillis par Claire Guélaud
 
 

 

Publié dans France

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