Le fondateur de Wikileaks, Julian Assange.
Objet du conflit : une lettre, envoyée à WikiLeaks par Amnesty International, Civic, le bureau afghan de l'International Crisis Group et d'autres organisations. Le courrier, qui n'a pas été rendu public, s'inquiète des risques que fait courir aux Afghans qui travaillent avec les forces de la coalition la publication de dizaines de milliers de rapports de l'armée américaine en Afghanistan.
Peu après la publication des documents, le Pentagone et le président afghan Hamid Karzaï avaient également évoqué le danger que pourraient représenter ces documents pour ses collaborateurs. WikiLeaks avait rétorqué avoir conservé plus de 10 000 rapports qu'il n'avait pas rendu publics pour protéger des sources ou des collaborateurs de l'armée américaine. Mais les documents publiés contiennent cependant de nombreuses références à des Afghans, identifiés par leur nom ou leur village, qui pourraient être victimes de représailles de la part des talibans. Depuis le début de l'année, le nombre d'exécutions sommaires perpétrées par les talibans est en forte augmentation.
EXPLICATIONS CONFUSES
Face aux critiques, Julian Assange avait affirmé avoir sollicité le Pentagone, avant la publication des documents, afin que l'armée aide WikiLeaks à expurger les documents de toute référence à des informateurs. Il explique n'avoir jamais reçu de réponse, tandis que le Pentagone nie avoir été approché. Mais le 28 juillet, la version de M. Assange était plus nuancée : il expliquait avoir contacté le Pentagone "par l'intermédiaire du New York Times", choisi par WikiLeaks et les deux autres journaux qui ont reçu les documents en avant-première pour obtenir une réaction officielle.
"Lorsqu'une organisation s'est mal conduite, et que cette histoire devient publique, nous ne pensons pas que ladite organisation ait un droit de connaître ce qui va être publié avant le grand public, avant les victimes. En pratique, ce serait juste leur donner plus de temps pour se préparer à manipuler l'opinion", estimait alors M. Assange, qui s'en était aussi pris au New York Times, estimant que le journal avait été "trop timide" dans sa couverture des documents et désapprouvant le choix du journal de ne pas publier de liens vers le site de WikiLeaks.
BRADLEY MANNING, BOUC ÉMISSAIRE ?
WikiLeaks apparaît désormais isolé, alors que l'offensive du Pentagone contre le site et ses informateurs présumés se poursuit. L'armée américaine a demandé au site de lui "rendre" les rapports non encore publiés, et a rapatrié aux Etats-Unis Bradley Manning, un jeune soldat suspecté d'avoir fourni plusieurs documents à WikiLeaks.
Le Pentagone avait affirmé détenir des preuves de l'implication de M. Manning dans ces fuites, mais l'analyste, âgé de 22 ans, n'a toutefois pas été mis en examen dans l'affaire des journaux de guerre afghans. Pour ses soutiens, il fait donc figure de bouc émissaire ; remonter la piste de l'origine de la fuite pourrait s'avérer un processus particulièrement complexe, des centaines de milliers de personnes ayant pu y avoir accès.
ISOLÉ, LE SITE SE SENT MENACÉ
En s'en prenant à Amnesty International – mise sur le même plan que le Pentagone dans
un message récent de WikiLeaks sur Twitter – le site pourrait se couper d'un allié important. L'organisation avait en effet soutenu sans réserves le site lorsqu'il avait publié la vidéo intitulé "meurtre collatéral", qui montrait un hélicoptère de l'armée américaine ouvrant le feu sur des civils dans un faubourg de Bagdad.
En parallèle, WikiLeaks a également fait savoir au Pentagone qu'il n'entendait pas baisser les bras. Le site a affirmé la semaine dernière qu'il continuerait à publier des documents, et a mis en ligne un mystérieux fichier crypté, baptisé "assurance", qui pourrait contenir des documents non encore publiés, en laissant entendre que les clefs du fichiers seraient rendues publiques si le site était forcé à fermer.
WikiLeaks semble craindre depuis plusieurs jours une attaque – juridique ou informatique – contre le site. Après avoir annoncé vendredi que Julian Assange tiendrait lundi une conférence de presse à Londres pour "répondre au Pentagone", le site l'a déprogrammée en dernière minute, évoquant des "problèmes logistiques". Mais
d'après Newsweek,le site craignait surtout d'être victime d'une attaque au cours du week-end.