30 08 2010 - PS, Unité, Présidentielle . PS : derrière l'unité affichée, les défis de la présidentielle restent entiers
La Rochelle, envoyées spéciales
Cela restera comme une belle image d'Epinal : un parti ragaillardi derrière sa première secrétaire, des travaux studieux. L'unité comme hymne, la sécurité réappropriée et comme une promesse de lendemains qui chantent, "une autre France est possible". La 18e université d'été du Parti socialiste, qui s'est achevée dimanche 29 août à La Rochelle, tranchait radicalement avec l'ambiance lugubre du congrès de Reims, qui, deux ans plus tôt, avait laissé le parti pour mort, ruiné par la guerre des ego, discrédité par des accusations de tricheries. "Nous serons prêts pour 2012, nous ne décevrons pas", a promis, le 29 août 2010, Martine Aubry.
A vingt mois de l'échéance présidentielle, les sondages prédisent la victoire possible d'un candidat socialiste au moment où le chef de l'Etat paie son offensive sécuritaire de l'été et les conséquences de l'affaire Woerth-Bettencourt. De quoi galvaniser les troupes. Depuis 1988 - vingt-deux ans -, cette élection-là échappe à la gauche. Alors, les socialistes serrent les rangs, affichent des mines sages, piégés par l'obligation de rassemblement qu'impose à ses rivaux Martine Aubry. Le premier qui rompt l'air de l'unité prend le risque de l'opprobre. Le PS avance groupé, mais il reste fragile. Sur les trois piliers qui fondent une élection présidentielle : le candidat, le projet, les alliances, rien n'est résolu.
Depuis 2002, c'est son incapacité à avoir un candidat consensuel, un projet clair et des alliés solides qui le bloquent. Les mois à venir seront déterminants.
LA DÉSIGNATION DU CANDIDAT
C'est l'étape la plus délicate. A la tête du PS, plus personne ne conteste l'autorité de Martine Aubry mais d'ici à en faire la candidate...
A La Rochelle, l'ombre de Dominique Strauss-Kahn, grand favori des sondages, a plané pendant trois jours. Que veut-il ? On l'ignore. Feignant la "zenitude", ses partisans s'en tiennent au calendrier officiel des primaires arrêté par le parti. "Un dépôt de candidature en juin 2011 nous convient", précise Pierre Moscovici. Mais pas aux autres. La première secrétaire a beau défendre le dit calendrier, la possible candidate voudrait connaître les intentions de "DSK" avant la fin de l'année.
"On ne s'improvise pas candidat. Cela se prépare. Martine Aubry a besoin de savoir les intentions de 'DSK' pour installer sa candidature. Le pire pour elle serait d'apparaître comme une candidate par défaut" analyse François Hollande. Arborant une silhouette affûtée par un régime drastique, le député de Corrèze veut convaincre que lui aussi comptera dans le jeu des primaires. Il continue de critiquer le calendrier de désignation qu'il juge trop tardif et assure devant les journalistes qu'il ne se désistera pas automatiquement si "DSK" se présente. La veille, certains de ses proches avaient cru comprendre le contraire.
Omniprésente à La Rochelle, Ségolène Royal, l'ancienne candidate à l'élection présidentielle est elle aussi venue délivrer son message : elle entend se faire "respecter". Championne de l'unité, la présidente de Poitou-Charentes revendique en même temps sa "liberté d'expression". Elle n'exclut rien, peut tout aussi bien décider de conclure un accord pour favoriser le meilleur candidat, que concourir aux primaires.
"J'ai l'envie, j'adore faire campagne et je suis capable de l'emporter", a-t-elle lâché, radieuse, dans les coulisses de La Rochelle. "Elle croit que c'est encore possible", s'inquiète François Rebsamen, le sénateur de Côte-d'Or, qui codirigeait sa campagne en 2007.
LE PROJET
Cette semaine, Martine Aubry fera des propositions sur l'école, Laurent Fabius et Jean-Christophe Cambadélis dévoileront le projet international qui sera voté lors d'une convention nationale en octobre.
Le parti travaille et comme une grande lessiveuse, il agrège à son corpus un certain nombre de nouveautés, comme le développement durable ou la sécurité. Mme Royal a eu la satisfaction de constater que "l'ordre juste" qui avait fait sursauter ses camarades en 2007 était maintenant digéré.
Mme Aubry a en revanche eu du mal à les convertir à la société du "care". Nourris à la synthèse, les socialistes ont cependant du mal à dégager les deux ou trois idées forces qui marqueront le projet de 2012.
Leurs objectifs sont difficiles à combiner : "Changer la vie" comme en 1972, 1977 et 1981 et incarner le "sérieux", pour redresser des finances publiques "calamiteuses". François Hollande ne cesse d'avertir : "On ne pourra pas tout." Martine Aubry le dit aussi, "il faut hiérarchiser", donc trancher, faire des mécontents. Jusqu'à présent personne n'a osé rompre le consensus lors des conventions thématiques.
Mais lorsque les calculettes seront sorties pour additionner ce que coûte la hausse promise des effectifs dans l'éducation nationale la police, les ambassades, le débat entre ceux qui prônent "plus d'Etat" et ceux qui veulent "mieux d'Etat" risque de ressurgir.
LES ALLIANCES
Pour renforcer sa crédibilité, le PS a intérêt à dire vite avec qui il gouvernera et ce qu'il fera avec ses partenaires. "Avec les Verts, on a des différends lourds à trancher sur la croissance et le nucléaire", rappelle un strauss-kahnien. Martine Aubry n'a cependant guère parlé de ses alliés dans son discours car la situation n'est pas décantée. Les Verts et Europe Ecologie ont amorcé un rapprochement qui devrait se concrétiser à la mi-novembre. Ancré à gauche, le nouveau mouvement sera un précieux allié.
Mais l'idée d'une candidature d'Eva Joly risque de pousser les écologistes à défendre leurs couleurs au premier tour de la présidentielle avant de discuter d'un éventuel accord avec le PS au second.
L'incertitude concerne aussi l'attitude du PCF et du Parti de gauche qui, pour le moment, se jaugent. Depuis 2002, les socialistes sont bien placés pour savoir que plus il y a de compétiteurs à gauche, moins le score de leur candidat est bon. "Le danger, c'est le premier tour. C'est sur lui que Nicolas Sarkozy mise tout", reconnaissent nombre de socialistes.