12 10 2010 - Shlomo Sand . " L’Etat juif peut nuire à la démocratie " . Ha'Aretz

Publié le par Nominoe

 

Courrier International

 

07.10.2010 | Shlomo Sand | Ha'Aretz   H  

 

Shlomo Sand, l'auteur de cet article et son livre "Comment le peuple juif fut inventé" - paru en France, chez Fayard.

Shlomo Sand, l'auteur de cet article et son livre "Comment le peuple juif fut inventé" - paru en France, chez Fayard.

 

 

 

Dans les négociations qui semblent se dérouler entre Israël et les Palestiniens, Benyamin Nétanyahou exige de son partenaire de négociation qu’il reconnaisse Israël comme Etat juif. On peut comprendre notre Premier ministre. Un homme qui se montre si peu pratiquant n’est peut-être pas sûr de son identité juive, d’où son incertitude quant à l’identité de son Etat et son besoin de chercher une reconnaissance de la part de ses voisins. En Israël, peu de critiques se sont élevées contre ce nouveau caprice, absent jusqu’à il y a peu de la diplomatie israélienne. Pendant des années, le pays s’était battu pour être reconnu par le monde arabe. Mais, en mars 2002, lorsque la Ligue arabe et le monde musulman ont avalisé l’initiative saoudienne et reconnu Israël dans ses frontières de 1967, une nouvelle menace est apparue : la paix – une paix qui risque très justement de dissoudre de l’intérieur le ­caractère juif de l’Etat.

 

Dès lors, un consensus rassemble Israël Beiteinou [parti d’extrême droite russophone] et le Meretz [parti de gauche pacifiste], des journalistes éclairés et des docteurs de la foi, pour définir Israël comme Etat juif. Mais cette définition rappelle furieusement celle de l’Iran comme République islamique ou celle des Etats-Unis comme pays chrétien. Certes, des évangéliques américains estiment que le caractère chrétien des Etats-Unis est menacé et voudraient désormais le couler dans le béton de la législation américaine. Mais les Etats-Unis, comme le reste du monde éclairé, se considèrent comme un ensemble de citoyens où la religion ou la croyance ne comptent pas.

 

Non, non et non, me répondront la plupart des Israéliens, le judaïsme et la judéité ne sont pas une religion, mais un peuple. Dès lors, Israël ne doit pas appartenir à tous ses citoyens, mais aux Juifs du monde entier, des Juifs qui, comme chacun sait, préfèrent pourtant ne pas vivre en Israël. C’est bizarre, je ne savais pas que l’on pouvait s’intégrer dans un peuple uniquement en se convertissant religieusement plutôt qu’en participant au quotidien à sa ­culture partagée. Mais peut-être existe-t-il une culture juive nationale laïque et que j’ignore ? Peut-être Woody Allen, Philip Roth et d’autres sont-ils secrètement versés dans la langue hébraïque, le cinéma hébreu, la littérature hébraïque et le théâtre hébreu ? Pour moi, la meilleure définition d’appartenance à un peuple reste sans doute la capacité à connaître le nom d’au moins un footballeur local.

Le problème, c’est que l’entreprise sioniste, qui a créé dans ce pays un peuple nouveau, loin d’être satisfaite de sa propre création, préfère la considérer comme un bâtard. Elle veut s’accrocher à l’idée d’un peuple-race juif et tirer le maximum de bénéfices de son existence imaginaire. Pourquoi ne pas rappeler que la forte solidarité entre chrétiens évangéliques et la communauté de destin entre bahaïs n’en font pas encore des peuples ou des nations ? Rahm Emanuel, ancien secrétaire général de la Maison-Blanche, fait partie de la nation américaine, tout comme Bernard Kouchner fait partie de la nation française. Mais, si demain les Etats-Unis décidaient de se définir comme un Etat anglo-saxon plutôt qu’américain ou si la France cherchait à se faire reconnaître non plus comme une République française mais comme un Etat gallo-catholique, Emanuel et Kouchner n’auraient plus qu’à émigrer en Israël. Je suis certain que beaucoup d’entre nous n’attendent que cela. Voilà donc une autre raison pour laquelle nous voulons voir Israël reconnu comme Etat du peuple juif et non comme démocratie israélienne.

A partir du moment où ceux qui ne sont pas juifs et qui vivent parmi nous ne peuvent s’identifier à leur Etat, ils n’ont qu’à s’identifier à l’Autorité palestinienne, au Hamas ou au film Avatar [de nombreux militants pacifistes palestiniens ont manifesté déguisés en personnages du film américain]. A ce compte, peut-être exigeront-ils demain que la Galilée, dont chacun sait qu’elle n’a pas de majorité juive, devienne le Kosovo du Moyen-Orient.

 

 

 

Comment le peuple juif fut inventé par Shlomo Sand, historien Israélien et auteur de cet article

 

 

 

    

L’auteur

 

Shlomo Sand est un historien israélien spécialisé dans l’histoire contemporaine. Spécialiste de Jean Jaurès et de Georges Sorel, il est professeur à l’université de Tel-Aviv depuis 1985. Il s’est aussi intéressé à l’histoire d’Israël et fait partie des nouveaux historiens israéliens. Favorable à un Etat binational judéo-palestinien, il a publié plusieurs ouvrages de référence. Comment le peuple juif fut inventé est son dernier livre paru en France, chez Fayard.

 

 

 

 

Autour du même sujet :

 

04 10 2010 - Shlomo Sand . " Comment fut inventé le peuple juif " . Le Monde Diplomatique 

12 10 2010 - Israel . " L'UE demande à Israël de garantir les droits "de tous ses citoyens" " . Le Monde 

12 10 2010 - Palestine . " Sari Nusseibeh : "L'idée d'un Etat est aujourd'hui en régression chez les Palestiniens" " . Le Monde 

12 10 2010 - Shlomo Sand . " L’Etat juif peut nuire à la démocratie " . Ha'Aretz 

 

 

 

 

 

Publié dans Moyen Orient

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<br /> http://www.scribd.com/doc/8260385/Roger-Garaudy-Le-Proces-Du-Sionisme "En 1974, dans le journal Yediot Aharonoth, Menahen Barash utilisait les textes bibliques pour définir l'attitude israélienne à<br /> l'égard des Palestiniens : Cette peste déjà dénoncée dans la Bible... Pour nous emparer de la terre promise par Dieu à Abraham., nous devons suivre l'exemple de Josué pour conquérir la terre<br /> d'Israël et nous y installer, comme le commande la Bible... Il n'y a pas de place, en cette terre, pour d'autres peuples que celui d'Israël. Ce qui signifie que nous devons en expulser tous ceux<br /> qui y vivent... C'est une guerre sainte exigée par la Bible. Lorsque j'écoute, à la télévision française, l'émission israélite du dimanche matin, une conférence sur Les qualités morales et<br /> spirituelles de Josué, je suis bien obligé de conclure que la dénaturation de la parabole en récit biblique conduit au crime. Et de dire à des sectaires de ce genre ce que Jean Jacques Rousseau<br /> leur disait déjà dans son Emile : Votre Dieu n'est pas le nôtre. Celui qui commence par choisir un seul peuple pour détruire les autres n'est pas le Père de tous les hommes. Le sionisme entrait<br /> ainsi dans le droit commun de tous les nationalismes utilisant la religion pour justifier leur politique. "Gesta Dei per Francos" (ce sont les Français qui accomplissent l'œuvre de Dieu), depuis<br /> les Croisades jusqu'aux conquêtes coloniales; "Gott mit uns", Dieu est avec nous, disaient les ceinturons des soldats de Bismarck ou d'Hitler, pour vaincre par le fer et par le feu. "Nous avons une<br /> mission divine de 13 civilisation", disaient les Afrikaners en créant l'apartheid. Les colons puritains d'Amérique, dans leur chasse à l'indien pour s'emparer de leurs terres, invoquaient Josué et<br /> les exterminations sacrées des Amalécites et des Philistins. (Thomas Nelson )"The Puritans of Massachusetts",Judaism, vol. XVI, n·2, 1967.) 1 Nous verrons plus loin les conséquences de cette<br /> politique sous Hitler : la coopération de son antisémitisme et du sionisme qui aidait à "vider l'Allemagne de ses Juifs" (Judenrein) au détriment des "Allemands de religion juive" contre lesquels<br /> il s'acharna parce qu'ils voulaient rester en Allemagne et qu'on y respectât leur religion et leur culture. Néanmoins cette revendication pseudo-biblique demeurera liée à la politique intérieure et<br /> extérieure du sionisme pour en consacrer l'unicité, au nom d'un privilège divin. C'est par exemple au nom de cette unicité métaphysique que je suis accusé de minimiser les crimes nazis parce que je<br /> les relie à l'histoire universelle et non pas seulement à l'histoire juive. C'était déjà le reproche adressé à Bernard Lazare, puis à Hannah Arendt lorsqu'elle parlait de la banalité du mal. L'on<br /> est invariablement accusé de minimiser les crimes nazis lorsqu'on replace la Shoah c'est-à-dire la persécution sanglante et incontestable des citoyens Juifs par l'antisémitisme hitlérien, dans le<br /> contexte de l'histoire universelle. Le massacre d'un seul juif par le nazisme est inacceptable... Mais la sacralisation de ce massacre, de cette Shoah, est, elle aussi, inacceptable 19 Les peuples<br /> sont aujourd'hui écœurés par les notions de races supérieures, de peuples élus, du fardeau de l'homme blanc, desalliances avec Dieu et des terres promises, prétentions qui sont aujourd'hui<br /> exploitées par les forces agressives et immorales des nationalistes contre les peuples les plus faibles." (p. 244). "Ils n'ont plus qu'un Dieu : l'espace vital (Lebensraum), le nationalisme<br /> chauvin." (p. 496) Il montre qu'à l'encontre de l'universalisme des prophètes juifs, l'interprétation tribale et nationaliste de l'alliance et du peuple élu, par ceux qu'il appelle "les barbares<br /> tribaux comme Ben Gourion, Moshe Dayan, et tout le gang militaire qui a dévoyé Israël" (p. XIII) ont fait de l'Agence juive et des organisations sionistes, dans le monde entier "des organes du<br /> gouvernement d'Israël" (p. 350, 429 et 457) avec la même idéologie raciale que les antisémites. (p. 308) C'est exactement le langage des nazis, celui de Heydrich par exemple : "Le but de la<br /> politique juive : l'émigration de tous les juifs", avec la même justification de peuple élu : la race aryenne destinée à dominer le monde pour lui inculquer ses vertus De là découle la nécessité<br /> sinon d'une extermination (dont celles de Josué sont la parabole), du moins d'une expulsion de la terre promise au peuple élu, de tout ce qui n'est pas juif. Sur ce point encore ce n'était pas<br /> seulement l'opinion, d'un journaliste, c'était la doctrine officielle. Weitz ajoutait : "La terre d'Israël sans les Arabes, car il ne peut y avoir de compromis... Les Arabes doivent être chassés<br /> vers la Transjordanie, la Syrie ou l'Iraq." Article 2 : Les mariages et divorces des Juifs s'effectueront, en Israël, en vertu de la loi établie par la Thora." Après 1967, il fallut donc dans le<br /> même esprit, donner une signification messianique à toute l'histoire, la fondation de l'Etat d'Israël devenant un événement eschatologique et se trouvant ainsi sacralisé comme une nouvelle idole.<br /> La coopération militaire, commencée en 1961, prit une ampleur considérable après Camp David: le Protocole d'entente stratégique signé à Washington, le 30 novembre 1981, comportait une livraison<br /> d'armes par Reagan, plus grande que celle prévue par les accords antérieurs, notamment 75 nouveaux chasseurs F-16, quelques jours avant l'invasion du Liban. Si bien que six semaines après<br /> l'évacuation du désert du Sinaï, se produisait l'invasion du Liban. Ainsi commençait à se réaliser le projet de Grand Israël et d'un véritable empire du Moyen Orient qu'Ariel Sharon avançait déjà<br /> en décembre 1981. A l'exemple des Etats-Unis chassant les Indiens sans fixer de limites à leur propre expansion, Moshe Dayan en 1982, ajoutait: "Prenez la Déclaration américaine de l'indépendance.<br /> Elle ne contient aucune mention de limites territoriales. Nous ne sommes pas obligés de fixer les limites de l'Etat." (Jerusalem Post du 10 août 1967). Tout ceci sous la protection inconditionnelle<br /> des Etats-Unis, non seulement opposant leur veto à toute sanction, mais fournissant les armes du crime. L'International Herald Tribune du 22 juillet 1982 nous apprend que "le gouvernement israélien<br /> aura dépensé cette année 5 milliards et demi de dollars en armements et équipements militaires. Le tiers de cette somme provient du Trésor américain. Cette propagande donne ceci chez l'homme de la<br /> rue, eût-il été victime des nazis, comme beaucoup de résistants et moi-même (qui écrivis mon principal ouvrage sur la philosophie de Hegel). Un homme par ailleurs respectable en arrive, intoxiqué<br /> par cette propagande funèbre, à déclarer: "Si vous me demandez ce que je réclamerais au peuple allemand, je dirais: une mère pour une mère, un père pour un père, un enfant pour un enfant. Mon âme<br /> serait en paix si l'on me disait que six millions d'Allemands mourraient pour contrebalancer les six millions de morts Juifs. Si cela n'est pas en notre pouvoir alors accomplissons au moins une<br /> action historique qui leur causera une souffrance similaire à celle du sang versé, crachons-leur au visage." (Mair Dworcezki, au Comité central du Mapaï. 13 décembre 1951) Même l'expression du<br /> Lévitique (XIX, 16): "Ne te venge pas et ne sois pas rancunier à l'égard des fils de ton peuple: c'est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi-même" est interprété de la manière la plus<br /> exclusive: utilisant la formule "à l'égard des fils de ton peuple" l'on conclut: le non-juif n'est pas ton prochain.<br /> <br /> <br />
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