02 10 2010 - Cinéma . " Le cri déchirant de Mahamat-Saleh Haroun " . Africa-Info

Publié le par Nominoe

 

Récompensé par le prix du Jury lors du dernier festival de Cannes, le film “Un homme qui crie” sort le 29 septembre sur les écrans français. Son réalisateur, le Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, analyse les ravages de la guerre au travers d'une histoire poignante entre un père et son fils.

 

28.09.2010 | Alphonse Jènè | Africa-info

 

 © Pyramide Distribution

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Adam, la soixantaine, est maître nageur de la piscine d'unhôtel de luxe. Lors du rachat de l'hôtel par des Chinois, il doit laisser laplace à son fils, une situation qu'il vit comme une déchéance sociale. C'est le destin d'un homme dans un hôtel. C'est aussi là le drame du Tchad : le père et le fils se font la guerre. Le fils reprend la place de son père, et, du coup, il y a cette guerre civile, mais en même temps, il y a cette rivalité entre le père et le fils, qui débouche sur le sacrifice du fils.

Voilà une histoire qui a déclenché des cris. Un cri dans le silence, et aussi un cri face au silence de Dieu devant la tragédie qu'il vit. Une réalité vécue par l'auteur lui-même et qu'il n'hésite pas à raconter. "Cette histoire m'a été inspirée en 2006 quand j'étais en train de tourner Daratt, mon précédent film. Il y a eu l'entrée des rebelles à N'Djamena, qui nous a obligés à arrêter le tournage. On était prisonniers d'une guerre qu'on ne voyait pas, on entendait des coups de feu, entre autres", affirme Mahamat-Saleh.

Il n'en fallait pas plus pour ce fils du terroir qui vit un drame intérieur. Les faits sont là : la guerre au Tchad dure depuis plus d'une quarantaine d'années, avec pour conséquence le massacre des innocents et l'exil forcé des chanceux. "Moi-même, j'en ai été victime puisque j'ai été blessé. Cette guerre m'a chassé du pays. Elle a fait de moi ce que je suis actuellement : un exilé. Je vis en France depuis près de vingt-sept ans...", soutient le cinéaste qui ne se sépare toujours pas des souvenirs douloureux de cette guerre. "Au moment où j'étais blessé, je ne pouvais même pas marcher, et mon père a dû me transporter dans une brouette comme un sac de pommes de terre pour traverser le fleuve et me retrouver au Cameroun. Cette guerre est en moi, et je ne peux pas l'occulter." Loin donc d'être une représentation de la guerre avec d'immense sartifices de destruction massive comme cela se fait dans le cinéma, Mahamat-Saleh a plutôt choisi de faire vivre les frasques d'une guerre avec d'un côté ceux qui la font et, de l'autre, de simples personnes pris au piège d'une lutte armée impitoyable.

Et c'est la perte de repères dans une Afrique où la mémoire se transmet par le socle familial noyé aujourd'hui dans les conflits d'intérêts des gouvernants."L'Afrique est en train de perdre une de ces valeurs importantes. Elle a raté sa transmission. Quand on voit, depuis 1960, les indépendances africaines, le bilan n'est pas vraiment positif. Les choses ne se sont pas passées comme on l'espérait. Souvent on a affaire à des conflits, des situations économiquement médiocres. Il me semble qu'il y a une forme de régression. L'Afrique est complètement dans une forme de déshérence qui relève de la responsabilité de ceux qui l'ont dirigée avant : certaines des générations passées ont bousillé l'avenir des prochaines générations", constate-t-il.

"Adam aurait aimé que Dieu l'aide à trouver une solution pour ne pas donner son fils à l'armée. En donnant son fils, il se demande si Dieu existe,si son acte est condamnable ou pas. C'est en cela que le personnage m'intéresse beaucoup", déclare Mahamat-Saleh. Immense talent pour un artiste qui ne sait que rendre compte d'une réalité. Pour mémoire, Mamahat-Saleh Haroun est depuis1997 le seul cinéaste en Afrique subsaharienne qui soit sur le devant de la scène cinématographique et le tout premier Tchadien à avoir brigué une palmed'or à Cannes dans une compétition.

 

 

 

 

Publié dans Cinéma - Théatre

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