01 09 2010 - Etats-Unis, Irak . Irak : "Le retrait des troupes américaines marque un commencement plus qu'une fin"

Publié le par Nominoe

 

LEMONDE.FR | 31.08.10

 

Plus le retour à la normale prend du temps, plus le risque est grand que les Irakiens "perdent foi en la démocratie".
AFP/ALI AL-SAADI
Plus le retour à la normale prend du temps, plus le risque est grand que les Irakiens "perdent foi en la démocratie". 
 
Alors que les troupes américaines commencent à quitter le sol irakien, après sept ans d'une guerre controversée et à l'issue toujours incertaine, nombreux sont les médias à consacrer reportages, analyses et éditoriaux à ce conflit et à ses conséquences, tant dans la région qu'à l'intérieur même des Etats-Unis.

 

Pour les hauts gradés qui s'apprêtent à organiser le départ des troupes, "plus le retour à la normale est long, plus le processus devient frustrant pour la population irakienne". Cités par le New York Times, ces soldats pour la plupart en poste en Irak depuis plusieurs années, soulignent le risque que les Irakiens "perdent foi en la démocratie". Le pays n'a en effet toujours pas de gouvernement et doit composer avec deux forces qui se disputent le pouvoir : les partisans du premier ministre sortant, Nouri Al-Maliki, et ceux d'Iyad Allawi, ancien premier ministre arrivé en tête des élections législatives de mars.

 

UNE POPULATION EN PROIE À LA PEUR DE LA GUERRE CIVILE

 

Le journal allemand Der Spiegel affirme quant à lui que les Irakiens sont plus inquiets qu'on ne le pense à l'idée de voir les troupes américaines quitter le pays : "La plupart ont peur de la guerre civile", d'autant que "la dictature a laissé des marques profondes". Dans une interview donnée au Spiegel, Iyad Allawi admet que "la situation est critique" et peut s'améliorer comme empirer, tout en accusant les Américains d'avoir opté pour "une stratégie d'ensemble qui n'est pas la bonne". Interrogé sur son propre échec à constituer un gouvernement, il rejette la faute sur "le jeu de la démocratie".

 

Pour le général Ray Odierno, commandant des forces en Irak, les Etats-Unis ont "péché par naïveté" en se lançant dans cette guerre : "Je ne crois pas que nous ayons bien saisi la portée du désastre social qui a frappé le pays", explique-t-il dans le New York Times, faisant référence à la guerre Iran-Irak, à la première guerre du Golfe et aux sanctions internationales "qui ont ravagé la classe moyenne irakienne entre 1990 et 2003".

 

 ÉMERGENCE D'UNE NOUVELLE IDENTITÉ IRAKIENNE

 

Dans un long essai, le Wall Street Journal tempère le pessimisme ambiant et rappelle, en faisant une comparaison avec la fin de la guerre de Corée, que cette transition démocratique ne peut se faire en quelques jours. "Plus que la fin de quelque chose, le retrait des troupes marque un commencement", insiste l'auteur.

 

Selon lui, la configuration actuelle en Irak est assez similaire à celle qui prévalait en Corée dans les années 50 : "Dwight Eisenhower était pressé de mettre fin à un conflit qui avait rendu son prédécesseur très impopulaire, et les combats s'étaient terminés dans la confusion. Mais le président avait tout intérêt à conserver une certaine stabilité dans la région, et souhaitait garder un œil sur ses anciens ennemis. Il a donc laissé des troupes nombreuses sur place et a formalisé la présence américaine par des accords avec le gouvernement local." Et l'auteur de conclure : "Trente-cinq ans plus tard, la Corée était devenue une démocratie stable."

 

Seul point d'achoppement : la question de l'identité irakienne, qui reste à ce jour mal définie car elle peine à intégrer les Kurdes et les chiites. Un point également soulevé par The Guardian, pour lequel les Kurdes ont tout intérêt à ce que Bagdad reste divisée : c'est en effet grâce au chaos qui régnait dans le pays en 2003 qu'ils ont réussi à obtenir leur statut autonome, rappelle l'auteur.

 

Le Wall Street Journal reste cependant optimiste et fait valoir qu'"une nouvelle identité irakienne peut émerger sur la base d'intérêts partagés", même si l'installation de la démocratie prend du temps : "Seule la tenue d'élections régulières et la capacité du gouvernement à fonctionner peuvent convaincre à la fois les élites politiques et le peuple que la démocratie est le bon choix."

 

UN TOURNANT POUR LA POLITIQUE EXTÉRIEURE AMÉRICAINE

 

Le retrait des troupes américaines marque, en outre, un tournant pour la politique extérieure américaine, analyse le

Washington Post. Le quotidien revient en images sur l'expérience irakienne de toute une génération de soldats "dont les carrières ont été définies par le chaos et les contradictions d'une des guerres les plus longues et les plus coûteuses" menées par les Etats-Unis.

 

Sans compter qu'au contraire, l'intervention en Irak "a clairement renforcé l'Iran", "a contribué à renchérir le prix du pétrole", et par conséquent a fortifié l'Arabie saoudite, premier pays producteur de pétrole. A l'aune de ce premier bilan, l'auteur estime que "tirer les leçons de cette guerre ne prendra probablement pas une semaine, mais plutôt une décennie".

Publié dans Amérique du Nord

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